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Notes pour une sémiologie de l’oeuvre-monogramme

Rappel de la méthode

Les Notes pour une sémiologie de l’oeuvre-monogramme se développent comme une narrative alternative à notre travail de poète et plasticien et consistent en un regard sur les travaux d’autres artistes.

L’hypothèse qui sous-tend ce regard a été maintes fois vérifiée, ce qui ne prouve en rien sa scientificité; il est admis que l’on trouve ce que l’on cherche et que l’observateur a une incidence sur le phénomène observé.

La méthode se définit et se reformule au fil des articles ; elle consiste à opérer un rabat de l’onomastique sur l’esthétique et découle du supposé selon lequel le nom de l’artiste et ses avatars (anagrammes, place des initiales, dans l’alphabet,morphèmes, phonèmes, etc) énonce un code-organisateur dont procède l’oeuvre.

Nous nous attachons donc, au hasard de nos rencontres avec un travail artistique, voire un simple fragment, à repérer – tant pour notre plus grand émerveillement que pour une compréhension – dans la dimension étymologique du terme liée à un « saisissement » - les analogons sémantiques qui nous apparaissent régir l’oeuvre tout en affirmant la marque de l'autorité de celui qui les crée.

Cette méthode que nous revendiquons comme analytique et dans une certaine mesure critique, ne vise pourtant pas à émettre un jugement sur les qualités esthétiques ou la pertinence de l’oeuvre. Tout au plus, pouvons nous nous demander pourquoi certains travaux nous arrêtent alors que d’autres nous laissent indifférents, et ce à certains moments de notre vie et énoncer là la capacité d’une oeuvre à capter suffisamment l’attention d’un passant qui, à déchiffrer autre s’énonce comme regardeur.

Notes à propos de « migration » par Mireille Gros


exposition dans le cadre de « La belle voisine »
MAPRA Lyon 13 janvier – 17 février 2007
GAC Annonay 3 mars-6avril 2007
CACL LACOUX 15 avril-20 mai 2007

(exposition organisée avec le soutien de PRO HELVETIA Fondation suisse pour la culture)

Ce 6 janvier 2007, nous recevons au courrier le carton d’invitation de l’exposition Michèle Lechevalier et Mireille Gros . Nous travaillons donc sur ce seul élément de communication, tout en ayant vérifié sur le site de l’artiste l’importance que joue l’oiseau comme élément de vocabulaire.

L’exposition s’intitule «migration». Un court texte légende une photographie représentant une multitude d’ oiseaux en vol. Image en bichromie : silhouette d’oiseaux rouges et ciel gris-rosé (pour ce que nous distinguons), qui nous apparaît, par le traité de l'image, extraite d’une vidéo :


à travers la migration des oiseaux, une installation
un regard, une histoire, une fable pour se souvenir qu’il y a longtemps, les oiseaux, descendant des dinosaures, commencèrent à migrer...
face à l’actualité, les oiseaux sont devenus la source d’inspiration de Mireille Gros
d’ici et d’ailleurs, les dessins rappellent la poésie des volatiles.
dans les dessins de la migration, on y retrouve une palette de toutes les couleurs sauf le noir et le blanc.
c’est l’univers multicolore
c’est le dessin
c’est la couleur
c’est la vie

Un jeu graphique consistant à écrire certains mots en caractère gras et en rouge trace dans le corps du texte une ligne diagonale, évoquant les formations des oiseaux migrateurs :

mots en formation d'oiseaux migrateurs

Le rapport entre le thème-même de l’oiseau migrateur et les éléments onomastiques de l’artiste qui, par ailleurs a regroupé ses thèmes sous le titre générique de "la vie en Gros" (par opposition à la vie en détail) nous apparaît comme rapport d’évidence : le nom-prénom MIREILLE GROS contient en effet deux R et deux L à entendre comme les airs que fendent les ailes. L’anagrammisation de ce bloc de lettres donne, pour le plaisir du mot-valise, attribut du nomade, et celui de voir s’envoler les demoiselles : MIGROISELLER.
Ce mot-valise composé de migrer et oiselle, fait apparaître un fort rapport d’identification du thème au nom. L’artiste nous semble ainsi, dans le choix de son sujet et la manière de le définir, travailler au pied de la lettre. La migration évoquée est une translation des lettres, remise en jeu des repères identitaires entendus puis inscrits dons le corps lors des phases d’apprentissage de l’écriture, en cettre préhistoire fabuleuse de l’enfance où les mains , peuplées de doigts sauvages, mi-gratteurs et prompts à l’envol en ombres chinoises, s’escriment à tenir la plume , temps héroïques des métamorphoses où gramma, la lettre, peut aussi bien désigner Grand-Ma-man, dont le nid-giron est le prototype de toutes les préhistoires, que le "grand mat" des caravelles des navigateurs qui dessinent les nouveaux mondes au gré des cartes qu’ils s’inventent.

Par ce thème de l’oisel migrateur, Mireille Gros nous apparaît poser les fondements d’une grammaire de l’autoportrait sémantique.

Quant à l’usage de "l’univers multicolore" soulignant le blanc et noir par défaut, il convient de rappeler que le mélange de ces deux non-couleurs donnent du gris. Pour un a-mateur, le mot garde saveur et sa valeur.

Michel Jeannès 6 janvier 2007
texte et mise en ligne.

contact direct avec l'artiste