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“Ils ont devant eux un soldat allemand en petite tenue, le bras gauche tenu en écharpe par une serviette blanche épinglée au revers de sa capote défraichie. Sur sa tête, un calot pisseux, mais propre, posé légèrement de biais sur des cheveux châtains plaqués en raie soigneuse et brillantinée. La capote boutonnée de travers, Brémond tient dans sa main libre une badine de coudrier.” “Ayant ainsi fait le point, Sauvin s’enroula dans la couverture de sa couchette — qui portait un drap boutonné, à la manière allemande — et s’endormit profondément.” “Mais les affaires de ce genre ne rendaient pas la vie agréable dans l’abri: “Adolf ne se couche jamais avant quatre heures du matin! disait Fegelein. C’est un défilé de gens auxquels il raconte toujours les mêmes choses. Quand par hasard ce défilé s’arrête, il va tirer de son armoire sa boîte à boutons et il travaille. — a boîte à boutons? fit Sauvin qui s’arrêta, fourchette en l’air. — Oui, de boutons. IL fait manoeuvrer sur sa carte des boutons de culotte dont chacun représente une division. C’est ainsi qu’il organise ses plans de bataille. Seulement, après les avoir disposés sur sa carte, il faut qu’il explique le coup. Maintenant que Keitel et Jodl sont partis, c’est moi qui suis de corvée pour l’écouter! Les divisions allemandes sont des boutons noirs, les anglo-saxonnes des blancs et les russes sont trempés naturellement dans de l’encre rouge! Quand il a gagné sa bataille, il renverse tous ces boutons dans leur boîte et il dit qu’il va se suicider avec E.B., son chien et tous ceux qui voudront.” “Sans transition, ils passaient brusquement avec Hitler de l’affaissement complet à l’optimisme le plus délirant, de la délectation morose d’un suicide prochain à la certitude d’une débâcle russe jointe à un retournement des alliances. Dans le second cas, Hitler quittait la carte parsemée de boutons où il jouait au Kriegspiel pour appeler ses généraux au téléphone.” “Il se retint de dire:”J’ai bien peur en effet que cette armée wenck ne soit plus qu’un bouton de culotte! Un bouton sur la carte du Fuhrer!” Ce tract devait avoir été lançé par dessus la grille du jardin et semé dans les rues pour redonner confiance par une fausse nouvelle aux berlinois affolés...” Jean Bommart , Le poisson chinois a tué Hitler, Livre de Poche, Librairie Générale Française, Paris, 1972, pp.19,102, 162,165,178