<=
« Sergent Krummel, prononça-t-il en me retournant mon salut, comment se fait-il que ces hommes ne portent pas l’uniforme ? » Plusieurs gars s’étaient effectivement allégés de leurs treillis. - « C’est le règlement au cours des opérations, mon Lieutenant. Pendant le service de nuit, les hommes sont autorisés à enlever leurs chemises, tant qu’ils restent à l’intérieur du bâtiment - Pas tant que je serai l’officier de permanence, sergent Krummel. - Mes excuses, mon Lieutenant Je l’ignorais. Messieurs, remettez vos chemises Et que les rabats de vos poches soient boutonnés. » Le lieutenant Dottlinger n’avait pas apprécié mon laïus sur les poches C’est à lui qu’incombait ce type de remarques Il trouvait suspect que j’aie pu terminer mes études à l’Université Lui n’était pas allé jusque-là Morning était complètement absorbé par son travail de retranscription, il m’avait bel et bien entendu, mais il n’avait pas daigné s’interrompre pour enfiler sa chemise « Cet homme n’a toujours pas son uniforme, sergent Krummel - Il est occupé à retranscrire mon lieutenant - J’exige qu’il enfile sa chemise sur- le- champ, sergent - A vos ordres mon Lieutenant. » J’ai fait signe à Novotny pour qu’il prenne la relève. Il a branché ses casques d’écouteur sur le pupitre de Morning, puis il a pris la suite à la fin d’une ligne, tandis que Morning se coulait hors de la chaise - « Ahhh, il a marmonné tout en s’étirant les muscles du dos comme s’il n’avait pas arrêté pendant des heures, alors que ça ne faisait que quelques secondes Oh ! Lieutenant Dottlinger. Comment ça va , ce soir ? ou je devrais plutôt dire ce matin. Ca fait une paye qu’on vous a pas vu , mon Lieutenant. » Pas la moindre trace d’insolence dans sa voix. Rien qui ne valait que Dottlinger lui cherche des crosses - « Morning, en uniforme - Mon Lieutenant ? - Votre chemise.Mettez-la - Mon Lieutenant, on nous a autorisés à enlever nos chemises pendant le service de nuit - Je ne tolérerai aucune excuse, soldat Mettez votre uniforme." Dottlinger était passé au rouge. - « Suis-je en état d’arrestation , mon Lieutenant ? Je ne comprends pas. Vous avez reçu un coup de fil de chez moi, mon Lieutenant ? Dites-le moi - Quoi ? Ne faites pas l’imbécile. Remettez votre chemise sur-le-champ ! - - Ca fait une minute que vous me terrorisez, mon Lieutenant. J’étais persuadé que c’était une mauvaise nouvelle . » Morning fit mine de s’éloigner. - « Morning ! remettez votre chemise ! - - Oui, mon Lieutenant, tout de suite. Mais ça fait une heure que je n’arrête pas de retranscrire et je… euh, faut que j’aille aux toilettes, mon Lieutenant. - - Sur-le-champ ! - - A vos ordres, mon Lieutenant ! »Morning enfila une manche à tâtons, il enfila le mauvais bras, puis il boutonna dimanche avec mardi, puis dimanche avec vendredi, le tout en sautant d’une jambe sur l’autre. Tout en défaisant son pantalon, il hurla : « Bordel de merde ! » puis se précipita aux toilettes, le pan de sa chemise flottant au vent, le pantalon en accordéon. » James Crumley - Un pour marquer la cadence- Gallimard - ( La noire), Paris, 1992. pp. 73-74-75